Espèce en danger, le lynx ibérique réapparaît en Espagne, avec 82 naissances en 2008
LE MONDE | 24.11.08 | 15h29
Il pourrait devenir le premier grand félin à disparaître depuis la préhistoire. Mais les nouvelles, pour l'heure, prêtent plutôt à l'espoir. Le gouvernement régional d'Andalousie, dans le sud de l'Espagne, vient d'annoncer la naissance sur son territoire, en 2008, de 82 lynx ibériques, dont 21 en captivité. Un taux de reproduction inattendu, qui permettra sans doute d'avancer à 2009 la date de réintroduction de l'espèce, initialement prévue pour 2010, au Portugal et dans d'autres régions de l'Espagne.
Estimés à 100 000 au début du XXe siècle, les effectifs de Lynx pardinus sont tombés à quelques centaines dans le sud-ouest de la péninsule ibérique. Autant dire dans le monde, puisque l'espèce ne vit nulle part ailleurs. Le lynx ibérique, en effet, ne doit pas être confondu avec l'espèce Lynx lynx, réintroduite dans l'est de la France depuis 1983, et dont les populations restent relativement stables de l'Europe du Nord à la Russie.
Plus sombre, plus tacheté et surtout plus petit, le lynx ibérique figure en bonne place sur la liste rouge 2008 des 188 mammifères les plus en danger d'extinction, publiée en octobre par l'Union mondiale pour la nature (UICN). Il fait l'objet d'un programme de conservation et de réintroduction financé par l'Union européenne. Soutien qui commence visiblement à porter ses fruits.
VICTIMES DE LA FAIM
Ce qui le menace ? La raréfaction du lapin de garenne, qui constitue plus de 90 % de son régime alimentaire. Car le petit félin, avec moins de 50 cm au garrot et un poids maximal de 13 kg, ne peut espérer se nourrir d'un chamois ou d'un chevreuil comme son cousin eurasiatique.
Victimes indirectes de la myxomatose, c'est de la faim, avant tout, qu'ont souffert les représentants de l'espèce. Solitaires en toutes saisons, hormis celle des amours, les survivants ont été obligés d'agrandir leur territoire de chasse. En fragmentant leur milieu, le développement agricole et industriel a fait le reste.
Exception faite du parc national andalou de Doñana, où vivent en liberté plusieurs dizaines de lynx - et où a été conçue une partie des nouveau-nés de 2008 -, seuls des groupes isolés de faible densité subsistent aujourd'hui au Portugal et en Espagne, le plus souvent dans les surfaces boisées de zones montagneuses reculées.
C'est dire l'importance que revêt pour l'espèce la protection des forêts ibériques. Celle, aussi, de l'industrie du liège, matériau dont le Portugal est le plus gros producteur mondial. Un commerce dont les incidences écologiques sont loin d'être négligeables : les forêts de chênes-lièges méditerranéennes abritent en effet de multiples espèces, parmi lesquelles le Lynx pardinus.
Catherine Vincent